Je suis une étude sur
le flanc d'un cheval
Si elle s'arrête de courir, elle tombe. Je pense : Son cœur tombe. Seule elle pense que seulement la cavale fait existence. C'est à dire que si elle ne cavale plus, elle n'existera pas. Elle s’y tient et tient uniquement sur le fil. Elle refuse. Elle refuse d'enfiler la robe datée et gâtée, celle qui sert les hanches et les fait rire. Elle refuse la soie. Elle refuse l'époque et surtout ses signifiants. Elle plaque des signifiants partout, tout ce qui bouge, et tout ce qui l’entoure. Comme la robe. Elle enfile un costume d'escrimeuse. Elle ne porte pas la mouche. Sa tête. Elle s'en est grillée une dernière, une dernière et à la liberté ! Elle refuse la robe et la soie. Refuser la robe, refuser la soie, refuser l’époque, refuser son visage libre. Elle enfile les jambières et le grillage. Derrière le grillage elle observe la foule qui danse, les corps suants qui meuglent et qui se meuvent sur une musique techno, elle trouve que les Hommes se ressemblent, bestioles. Et les insectes grouillent. Mais la scène est vide. Elle pousse une porte et derrière la porte, au centre : un point. À la droite : une femme porte une perruque d'un carré rose éclatant comme celles que l'on trouve mal remises dans les pochettes en plastique sur les étagères des magasins de déguisements. À la gauche du point : un homard. Il y a les torses nus, un reflet bleuté qui s’enfuit sur les poils des torses nus. Une table est disposée exactement en face de la porte, elle apparait de toute sa longueur quand on l'ouvre. Elle dépasse l’ouverture de la porte. Elle ne peut pas voir ses extrémités. Celles et ceux qui y sont assis.es ne font rien d’autre que d’attendre, attendre qu'on les regarde. Celles et ceux qui se trouvent en dessous, aussi. Épée. Aiguille pour arme. Je suis une étude sur le flanc d'un cheval. Elle monte un cheval. Formons le continent. Elle ne veut pas rester enfermée sur le continent. N'y échapperons pas. Elle monte un cheval à l'envers. Les jambes enserrent son flanc, il cavale. Il ne s’était pas arrêté, ne s’arrête jamais, même le temps qu’elle monte à l’envers pour enserrer son flanc. Ils cavalent. Il n'y a ni entours ni décors : des espaces vides. Sans couleurs. Comme es plaines et des steppes qui ne sont ni des plaines ni des steppes. Monochromes violacés, drapés. Elle observe les premières photographies décomposant le mouvement. Elle est l’étude sur le flanc du cheval d'Edweard Muybridge. Il avance.